Depuis le début des années 2010's, des légumeries fleurissent sur nos territoires. Véritables outils des circuits de proximité, au service d’un approvisionnement local de la restauration collective, elles s’inscrivent dans cette perspective de réappropriation de la question alimentaire des territoires, de re-localisation de la production agricole et de soutien aux agriculteurs.
Au delà de la volonté individuelle des porteurs de projet, le cadre réglementaire vient soutenir leur essaimage en France depuis 2008/2009 (avec le Grenelle de l’environnement) puis 2018 (avec notamment la loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous). Et la Loi EGalim impose à toutes les collectivités, au plus tard le 1er janvier 2022, que “ les repas servis dans les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge comprennent une part au moins égale, en valeur, à 50 % de produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie et au moins 20% issus de l'agriculture biologique.”
A l’instar de la diversité de nos territoires, aucune légumerie ne se ressemble. Le modèle unique et standardisé n’a qu’à bien se tenir ! Nous nous sommes soumis à un exercice de synthèse pour mettre en lumière les principaux critères de différenciation de ces projets locaux. Dressons ensemble le portrait chinois de votre (future) légumerie.
1. SI J’ÉTAIS “L'ÉCOSYSTÈME”, JE SERAIS…
L’écosystème d’une légumerie reste assez similaire d’un projet à l’autre. Cependant, le niveau d’implication et le rôle joué par chacun des acteurs du territoire ont un impact fort sur la forme que prendra la légumerie et la gouvernance.
LES AGRICULTEURS, EN AMONT DE LA FILIÈRE
Producteurs de légumes, maraîchers et arboriculteurs (ndlr : ceux qui approvisionnent la légumerie) sont souvent déjà engagés dans une démarche de diversification et de commercialisation en circuits courts. Ils peuvent aussi être associés au sein d’une structure commune de commercialisation, à l’instar de la coopérative biologique d’Île-de-France citée plus bas. Ils sont la plupart du temps soutenus et accompagnés par la Chambre d’Agriculture départementale ou régionale, ou une autre instance agricole locale (GAB, syndicats, Adear, CIVAM, etc). Cette dernière adosse un véritable rôle de facilitateur sur les territoires.
Exemple du projet de légumerie dans l’Aisne : même s’il est porté par l’Association Aujourd'hui et Demain (AED), l’implication de l’amont est grandement facilitée par l'existence de “Produits de nos Pl’Aisne” (association de producteurs) et la Chambre d’Agriculture de l’Aisne qui les accompagne. Plusieurs avantages se présentent pour le lancement de cette légumerie : les agriculteurs sont déjà engagés collectivement dans une démarche en circuit de proximité, ils ont déjà un portefeuille de clients de la restauration collective (à qui ils commercialisent leurs produits bruts), et ils sont déjà partenaire de l’AED, à qui ils sous-traitent le transport. Cet historique permettra à la légumerie de se lancer dans un délais moindre, puisque certaines étapes sont déjà initiées.
LES ACHETEURS, L’AVAL DE LA FILIÈRE
Les acheteurs sont les acteurs de la Restauration Hors Domicile (RHD) et principalement la restauration collective en gestion directe : les établissements scolaires (crèches, écoles primaires, collèges, lycées et établissements supérieurs), les établissements de santé et médico-sociaux (hôpitaux et maisons de retraites), les prisons, les entreprises, etc. On peut citer ensuite les Sociétés de Restauration Collective (SRC) qui gèrent en France presque 40% des repas de la restauration collective (dans le cadre des établissements en gestion concédée). Ce sont Sodexo, Api, Elior, Newrest... pour n’en citer que quelques-uns.
Exemple de la légumerie de la Ferme de la Haye : créée en 2012 à l’initiative d’un maraîcher bio, l’initiative à été impulsée par une commande d’Elior qui s’est engagé à acheter et écouler l’intégralité des 35 tonnes de carottes biologiques produites en année de lancement.
LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Le niveau administratif des collectivités locales impliquées dans ce type de projet peut varier de la commune, en passant par les intercommunalités, jusqu’au Département ou la Région. Elles sont parfois à l’origine du projet, à travers par exemple une démarche de PAT (Projet Alimentaire Territorial) menée sur leur territoire. Dans tous les cas, elles jouent très souvent un rôle de facilitateur, tant au niveau administratif (exemple : démarches de validation de conformité de la gestion des eaux usées) que financier (exemples : subventions, mise à disposition d’un bâtiment, etc.).
Exemple de la légumerie de Lons-Le-Saunier : elle a la particularité d’être gérée par la municipalité et fait partie des outils mis en place par cette dernière pour constituer une véritable filière bio locale.
UNE STRUCTURE DE L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (ESS)
Les formats sont nombreux, mais ce sont souvent des entreprises d’insertion et des ESAT (structure employant des travailleurs handicapés ou défavorisés) qui portent des projets de légumerie. Au delà de la dimension sociale apportée à l’initiative, ce modèle de légumerie affiche des avantages d’ordre économique, à travers les aides et subventions complémentaires, les contrats dédiés dans le cadre des marchés publics, ou encore la moindre charge salariale. Dans ce cas, la DIRECCTE sera aussi impliquée à différentes étapes.
Prenons l’exemple de la marque Légumes du coin : portée par l’association Pôle Eco Ter Vosges Alimentation (un groupement d’acteurs locaux dont 2 associations d’insertion), la légumerie fut l’occasion de créer un chantier d’insertion dédié, avec 4,2 ETP en réinsertion.
LES AUTRES ACTEURS (liste non exhaustive)
Un promoteur immobilier ou le propriétaire d'un bâtiment, lorsque qu’il n’est pas l’un des acteurs cités précédemment.
Par exemple, c’est l’association « les Amis d’ici » qui fait revivre la fromagerie Lactalis abandonnée par la société en 2012 qui accueillent la légumerie de Xertigny.
Un lycée agricole qui peut être porteur du projet ou partenaire.
Ainsi la Légumerie 53 a pu se lancer avec une année test en étant hébergée dans le lycée agricole de Laval. Outre le bâtiment, ce dernier a apporté un appui technique aux salariés en insertion.
Le transporteur lorsque celui-ci n’est pas opéré par les agriculteurs ou la légumerie.
2. SI J’ÉTAIS “L’OFFRE & LA DEMANDE”, JE SERAIS…
L’offre de la légumerie sera conditionnée par l’amont et validée par l’aval de la filière.
Les légumes produits sur le territoire constituent un premier facteur d’ajustement. En effet, en fonction de la localisation géographique du projet, on constate des différences importantes de production (contexte agricole local, qualité de la terre, climat, etc.). La saisonnalité est aussi un paramètre important à prendre en compte, en particulier pour les légumes d’été, qui ne sont parfois disponibles que pendant quelques mois de l’année et ne se conservent que très peu de temps (tomate, poivron, aubergine, courgette). Sur l’ensemble des territoires français, les légumes les plus transformés sont les carottes et les pommes de terre (on trouve ensuite les choux, la betterave, les navets et les poireaux).
Vient ensuite la question de l’offre et de la demande pour les produits issus de l’agriculture biologique versus l’agriculture conventionnelle.
Certaines légumeries pourront aussi proposer des produits locaux complémentaires, selon la production présente sur le territoire (viande, produits laitiers, produits d’épicerie…).
Enfin, les gammes de produits proposées par la légumerie seront conditionnées par l’aval de la filière (et donc la demande) : les chefs, les menus, les équipements et les équipes des établissements.
Petit rappel des différentes gammes de produits :
→ 1ère gamme = bruts, sans transformation ni conditionnement
→ 1ère gamme élaborée = bruts ayant bénéficié d’une transformation sommaire (découpe par exemple). Doivent impérativement être lavés, contrairement à la 4e gamme
→ 3e gamme = conservés par surgélation. Ils peuvent être lavés, coupés, préparés, …
→ 4e gamme = frais crus, lavés, préparés et prêts à l’emploi.
→ 5e gamme = cuits sous vide (pasteurisation ou stérilisation) et transformés.
3. SI J’ÉTAIS “LE DIMENSIONNEMENT”, JE SERAIS…
L’offre légumière (l’amont de la filière) et la demande (l’aval de la filière) sont les deux principaux indicateurs à prendre en compte. Même si calculer l’offre et la demande potentielle d’un territoire donné peut paraître simple, l’exercice devient plus complexe lorsqu’il s’agit de définir le périmètre du projet, car il faut faire des choix stratégiques :
→ Pour l’offre : par exemple, souhaite-t-on élargir l’approvisionnement auprès des exploitations des départements voisins ? Quels producteurs sont réellement en mesure de s’engager à produire pour la légumerie ?
→ Pour la demande : par exemple, quels établissements sont prêts à s’engager sur un volume d’achat ? La demande des établissements concerne la dimension commerciale du projet et varie en fonction d’un nombre important de facteurs : la concurrence présente sur le territoire, les contrats et marchés en cours ou à venir, la volonté des hommes en poste au sein des établissements, la volonté politique des Collectivités, l’expertise des personnes en charge dans la rédaction des marchés publics…
Enfin, nombreux sont les autres indicateurs à prendre en compte au moment du dimensionnement de l’outil : le bâtiment, les sources de financement envisageables, le porteur du projet, etc.
Le dimensionnement se traduira ensuite à travers plusieurs indicateurs, comme le nombre de mètres carré du bâtiment, le tonnage de légumes transformés ou le nombre d’ETP. On observe aujourd’hui une grande disparité des projets sur cette partie.
Exemple de la légumerie de Belfort : elle s’est lancée en 2011 avec un atelier pilote de 30m2 au sein d’un ESAT. Elle est située sur un territoire rural et seulement 3 collèges ont accepté de tester le concept à l’issue d’une enquête préalable réalisée en 2010. Au final, quatre années ont été nécessaires pour que le Département mobilise les acteurs et les financements, et que la légumerie s’installe en 2015 dans un bâtiment de 200m2.
Exemple de la légumerie de la Coopérative Bio d'Île-de-France : au contraire, cette dernière fut inaugurée avec un surface de 1300m2. Située sur une zone urbaine dense (le bassin francilien), elle bénéficiait d’une clientèle déjà existante, puisqu’avant cela la transformation de leurs légumes étaient sous-traitée.
4. SI J’ÉTAIS “LE BÂTIMENT”, JE SERAIS…
Le bâtiment peut avoir une incidence forte sur la forme que prendra la légumerie et son agenda. Le projet peut émerger sur un territoire parce qu’une opportunité de bâtiment disponible se présente. Au contraire, le projet peut tarder à se lancer faute de bâtiment disponible.
Exemples des légumeries de Belfort et de la Coopérative Bio d'Île-de-France : comme vu précédemment, la première s’est lancée en en moins d’un an en commençant son activité au sein d’un atelier pilote de 30m2. Au contraire, la deuxième a décidé de construire ex nihilo son bâtiment, ce qui a nécessité trois années de chantier.
Le choix du bâtiment (et donc d’un lieu) aura aussi des répercussions sur le modèle et le dimensionnement de la légumerie. Quels sont les bassins de production et de consommation les plus proches ? Où sont situés mes concurrents ? Quels sont les impacts de son implantation en terme de logistique (Cf. temps et coûts de livraison amont>légumerie et légumerie>aval) ?
5. SI J'ÉTAIS "L'ÉQUIPEMENT", JE SERAIS…
Le matériel à envisager pour démarrer un projet de légumerie dépend des résultats de l’étude de marché, de la gamme envisagée (3ème, 4ème ou 5ème gamme) et du niveau de financement possible. L’équipement peut couvrir des besoins à court, moyen ou à long terme. Il est donc possible d’échelonner l’acquisition de matériel en fonction de l’évolution de son activité en volume et en gamme. Le matériel peut être polyvalent (éplucheuse à légumes) ou extrêmement spécifique (coupe frite pommes de terre). Il est généralement associé à un volume de traitement par unité de temps. Comme pour de nombreuses activités, avoir une vision assez claire de l’évolution de celle-ci est déterminant pour penser le niveau d’équipement nécessaire au démarrage et celui plus utile dans un second temps.
Les fonctions principales couvertes par l’équipement sont de réceptionner, trier, laver, éplucher, ébouter, découper, conditionner, stocker et nettoyer. Le matériel de lavage, d’épluchage et de découpe sélectionnés peuvent avoir une influence considérable sur le rendement de la légumerie. Il faut envisager ces pertes de matières et les intégrer au modèle et au prévisionnelle du projet de légumerie.
C’est en croisant ces informations que l’on peut réduire la liste du matériel utile à court, moyen, et plus long terme. Selon le dimensionnement de la légumerie et le niveau d’équipement envisagé, la valeur d’achat du matériel nécessaire peut varier du simple au triple. En plus du matériel à proprement parlé, il ne faut pas oublier de traiter la question du gros matériel, tel que les chambres froides ou les camions, et les aménagement du bâtiment comme par exemple, l’isolation, la mise aux normes et le traitements des eaux usées.
6. SI J’ÉTAIS “LE FINANCEMENT”, JE SERAIS…
Les leviers de financement varient en fonction du porteur du projet et de son statut (structures associatives ou coopératives, entreprises de l’ESS ou structures privées à but lucratif). Lorsque les collectivités locales sont fortement impliquées dans le projet, les démarches pour obtenir des fonds publics peuvent être facilitées.
Même si les dispositifs varient en fonction de la temporalité et de la géographie du projet, on retrouve souvent les mêmes catégories de financement : fonds privés et publics, les appels à projet européen (LEADER/FEADER), subventions et dotations spécifiques (ADEME, ESS,...), aides au développement (DLA, France Active...), acteurs du financement participatif, etc.
Exemple de la légumerie 53 : cette légumerie départementale a été financée à hauteur de 60% par les collectivités locales. Sur un investissement initial de 303.000 euros, 90.000 euros ont été apportés par la Région, 50.000 euros par le Département de la Mayenne et 40.000 euros par l’agglomération de Laval. Ce montant a été complété en 2017 par l’achat de matériel supplémentaire pour professionnaliser l’atelier. Ils ont été réalisés, avec l’appui de l’agglomération de Laval (20.000 euros) et du Département (20.000 euros) et un emprunt de 30.000 euros.
NOS PRESTATIONS D'ACCOMPAGNEMENT POUR LES LÉGUMERIES
→ Étude de faisabilité
→ Étude d’opportunité
→ Étude de marché approfondie
→ Assistance à maîtrise d’ouvrage
→ Valorisation de la démarche
→ Formation et sensibilisation des équipes
Sources
https://www.food-market-vision.fr/publication/restauration-collective-les-derniers-chiffres-cles-2016-et-les-tendances-a-venir/
https://epinalinfos.fr/2019/07/legumerie-de-xertigny-associer-personnes-eloignees-de-lemploi-a-projet-de-circuit-court/
https://www.reussir.fr/lesmarches/les-cantines-franciliennes-ont-leur-legumerie-bio
https://www.yvelines.fr/projet/flins-les-mureaux-premiere-legumerie-bio-dile-de-france/
https://actu.fr/ile-de-france/combs-la-ville_77122/seine-marne-legumerie-produira-2-3-000-tonnes-legumes-bio-par-an-combs-ville_31161014.html
https://www.banquedesterritoires.fr/la-legumerie-53-conjugue-insertion-sociale-et-alimentation-locale-53
http://www.repasbio.org/une-nouvelle-legumerie-pour-la-ville-de-lons-le-saunier
https://www.yvelines.fr/projet/flins-les-mureaux-premiere-legumerie-bio-dile-de-france/